France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 18 avril 2024, 24/00021 (2024)

Ordonnance n

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18 Avril 2024

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N° RG 24/00021 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HARG

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E.U.R.L. EURL BRASSOTEL représentée par son gérant en exercice

C/

S.C.I. LES JARDINS DU LAC

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le dix huit avril deux mille vingt quatre par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'articele 450 du code de procédure civile par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Sandra BELLOUET, greffière, lors des débats et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le onze avril deux mille vingt quatre, mise en délibéré au dix huit avril deux mille vingt quatre.

ENTRE :

E.U.R.L. EURL BRASSOTEL représentée par son gérant en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

S.C.I. LES JARDINS DU LAC

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Benoit GLAENTZLIN de la SELARL ATLANTIQUE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEUR en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure:

Aux termes d'un acte authentique en date du 30 décembre 2005, la SCI LES JARDINS DU LAC a consenti à l'EURL BRASSOTEL un bail commercial portant un immeuble à usage commercial situé sur la commune de Chasseneuil-du-Poitou afin d'y exercer une activité de restaurant-bar.

Ledit contrat a été conclu pour une durée de 9 ans à compter du 15 décembre 2005 moyennant un loyer de 45735 euros hors taxes par an, soit 3811,23 euros hors taxes par mois, hors charges.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 juin 2023, la SCI LES JARDINS DU LAC a mis en demeure l'EURL BRASSOTEL de lui payer la somme de 59974,29 euros toutes taxes comprises au titre des loyers et charges impayées.

Par acte en date du 17 juillet 2023, la SCI LES JARDINS DU LAC a fait délivrer à l'EURL BRASSOTEL un commandement de payer la somme de 59974,29 euros visant la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail.

Par exploit en date du 30 août 2023, la SCI LES JARDINS DU LAC a fait assigner l'EURL BRASSOTEL devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers.

Par ordonnance en date du 20 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers anotamment :

constaté la résiliation du bail commercial au 17 août 2023,

ordonné, à défaut de libération des lieux dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, l'expulsion de l'EURL BRASSOTEL des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique;

condamné l'EURL BRASSOTEL à payer à titre provisionnel la somme de 19200 euros à la SCI LES JARDINS DU LAC au titre des arriérés de loyers dus, comptes arrêtés au 18 août 2023;

condamné l'EURL BRASSOTEL à payer à titre provisionnel la somme de 2751 euros toutes taxes comprises au titre de la taxe foncière 2023;

dit qu'il devra être déduit les sommes de 2273,30 euros et 5508,12 euros saisies les 12 et 14 septembre 2023;

condamné l'EURL BRASSOTEL à payer à titre provisionnel la somme mensuelle de 4800 euros toutes taxes comprises à la SCI LES JARDINS DU LAC à titre d'indemnité d'occupation à compter du 18 juillet 2023 et jusqu'à complet départ;

rejeté les demandes plus amples ou contraires;

condamné l'EURL BRASSOTEL à verse à la SCI LES JARDINS DU LAC la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit.

L'EURL BRASSOTEL a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 1er février 2024.

La procédure a été orientée en circuit court.

Par exploit en date du 9 avril 2024, l'EURL BRASSOTEL a fait assigner la SCI LES JARDINS DU LAC devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, afin d'obtenir, par application des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant la décision dont appel.

Elle soutient qu'au regard des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, une condamnation provisionnelle au paiement d'une somme d'argent ne peut être prononcée par le juge des référés que si l'existence de l'obligation n'est pas sérieusem*nt contestable et que pour une large part, la créance invoquée par la SCI LES JARDINS DU LAC serait sérieusem*nt contestable, de sorte que le commandement de payer ne pourrait produire effet que pour la somme de 9600 euros correspondant aux loyers des mois de mai et juin 2023.

Elle fait valoir qu'au regard des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil, le preneur peut demander des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire même après l'expiration du délai d'un mois à compter du commandement, tant que la résiliation n'est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée. Elle fait valoir, en outre, que le juge peut accorder des délais rétroactifs lorsqu'il apparaît, au jour où il statue que la situation ayant donné lieu à la délivrance du commandement a été régularisée. Elle indique, à cet égard, que la somme de 9600 euros aurait été payée dans les jours qui ont suivi le prononcé de l'ordonnance de référé, de même que l'intégralité des loyers postérieurs à la délivrance du commandement, outre la taxe foncière 2023, de sorte qu'elle aurait apuré sa dette de loyers envers la SCI LES JARDINS DU LAC. Elle indique avoir repris le paiement de l'indemnité d'occupation, être une débitrice de bonne foi et être en mesure de proposer un échéancier pour le règlement des sommes susceptibles de rester dues à la SCI LES JARDINS DU LAC.

Elle indique que l'exécution de la décision litigieuse en ces dispositions ayant constaté la résiliation du bail commercial et ordonné son expulsion des lieux loués aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, la contraignant à cesser son activité, ce qui la priverait de toute ressources, de sorte qu'elle n'aurait d'autre solution que de solliciter l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

La SCI LES JARDINS DU LAC s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Elle soutient que l'EURL BRASSOTEL ne justifierait d'aucun moyen sérieux de réformation au soutien de son appel.

Elle fait ainsi valoir qu'elle était bien fondée à obtenir la condamnation provisionnelle de la société BRASSOTEL au titre des loyers et de la taxe foncière, lesquels ne feraient l'objet d'aucune contestations sérieuses et auraient été réglés après le prononcé de l'ordonnance.

Elle soutient, en outre, que l'acquisition de la clause résolutoire ne serait pas non plus contestée par l'EURL BRASSOTEL, laquelle reconnaitrait avoir réglé les sommes dues à titre principal à la suite de l'ordonnance dont appel, soit après l'expiration du délai d'un mois imparti aux termes du commandement de payer en date du 17 juillet 2023.

Elle indique que l'EURL BRASSOTEL serait débitrice de la somme de 20028,98 euros au titre des arriérés de charges pour les années 2021, 2022, 2023 et 2024.

Elle fait valoir que l'EURL BRASSOTEL ne démontrerait pas l'existence de conséquences manifestement excessives qu'auraient pour elle l'exécution de la décision dont appel.

Elle soutient ainsi que les difficultés financières de la société BRASSOTEL préexistaient à l'ordonnance litigieuse.

Elle indique, en outre, que l'EURL BRASSOTEL ne justifierait pas de sa situation comptable actualisée à l'appui de sa demande, en cause d'appel, de délais de paiement, de sorte qu'il en résulterait qu'elle ne serait pas en capacité de reprendre le paiement des charges courantes.

Elle ajoute que l'absence d'élément sur la situation comptable de l'EURL BRASSOTEL serait de nature à faire craindre un état de cessation des paiements justifiant la résiliation immédiate du bail.

Elle sollicite la condamnation de la l'EURL BRASSOTEL à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse aux conclusions de la SCI LES JARDINS DU LAC, l'EURL BRASSOTEL indique que la résiliation du bail, par l'effet de la clause résolutoire, ne pourrait être encourue que pour non-paiement des charges locatives mentionnée dans le commandement de payer signifié le 17 juillet 2023 et qu'elle ne doit plus rien à ce titre. Elle fait ainsi valoir la créance invoquée par la SCI LES JARDINS DU LAC dans le commandement de payer signifié le 17 juillet 2023 au titre de l'arriéré des charges pour les années 2021, 2022 et 2023 était de 10732,89 euros, sur laquelle il convient de déduire 3868,63 euros incombant à la SCI LES JARDINS DU LAC ainsi que la somme de 7781,42 euros correspondant au saisie-attributions pratiquées par la bailleresse, les 12 et 14 septembre 2023, sur ses comptes bancaires, de sorte qu'elle aurait payé l'arriéré de charges invoquée par la SCI LES JARDINS DU LAC dans le commandement de payer.

Il est renvoyé aux conclusions écrites des parties déposées lors de l'audience pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.

Motifs :

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Sur les moyens sérieux de réformation, il n'est pas contesté que l'EURL BRASSOTEL s'est acquittée de l'ensemble des condamnations mises à sa charge par le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers, en application du commandement de payer et qu'elle a repris le paiement courant de l'indemnité d'occupation mise à sa charge.

Ainsi, la demande de délais de paiement, au visa des dispositions de l'article L145-41 du code de commerce et de l'article 1343-5 du code civil, visant pour le locataire à obtenir la suspension de la clause résolutoire, pourrait être favorablement accueillie en cause d'appel.

En conséquence, il convient de considérer que le moyen invoqué par l'EURL BRASSOTEL paraît sérieux.

Sur les conséquences manifestement excessives, l'EURL BRASSOTEL démontre que l'exécution de la décision de première instance dans l'attente de l'issue de la procédure d'appel entraînerait des conséquences manifestement excessives, dès lors que son expulsion des locaux lui ferait perdre le bénéfice de son fonds de commerce de restaurant-bar, d'autant que celle-ci emploie trois salariés et qu'elle est à jour du paiement sommes dues au bailleur.

Il sera rappelé, à toutes fins utiles, que l'exécution provisoire se fait aux risques et périls du créancier, de sorte qu'il apparaît que l'arrêt de l'exécution provisoire présente également un intérêt pour la SCI LES JARDINS DU LAC en cas réformation de la décision litigieuse, précision faite que l'affaire a été orientée en circuit court et l'audience des plaidoiries fixée prochainement, soit le 3 septembre 2024.

L'EURL BRASSOTEL satisfaisant aux conditions de l'article 514-3 du code de procédure civile, il convient d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

La SCI LES JARDINS DU LAC sera déboutée de sa demande au titre de l'aticle 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers le 20 décembre 2023,

Déboutons la SCI LES JARDINS DU LAC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Disons que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, La présidente,

Sandra BELLOUET Estelle LAFOND

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